Une journée lourde en émotions. Saint Jacques, dernière étape avant le Cap Finisterre prévue dans 4 jours....
La journée s'annonce chargée. Mais pas en dénivelée, ni en kilomètres, non. En émotions. Dès mon réveil, je prends conscience que c'est le jour J. Ce n'est pourtant pas la dernière étape puisque je continue jusqu'à l'océan 4 jours plus tard. Mais c'est celle sur laquelle je me suis engagé: rallier Saint Jacques de Compostelle depuis Trondheim à vélo pour sensibiliser au don de moelle osseuse. C'est donc ce soir que cette aventure prend un autre tournant. Que vais-je ressentir lorsque je serai devant la cathédrale, après autant de kilomètres douloureux, venteux, froids, humides, seul ou accompagné, depuis les montagnes de Norvège jusqu'à celles de Galice? Je préfère ne plus trop y penser pour l'instant. Je verrai bien.
Départ sous la pluie vers 9h30. Le soleil se lève à peine ici car je suis plus à l'ouest qu'à Pamplune. La route part dans les grandes forêts d'eucalyptus, symboles de la Galice et de toute la Costa Verde. Quelques montées et descentes nous emmènent en 18km à Arzua où nous prenons une pause.
Luminita a proposé le thème de Noël pour cette dernière étape. Nous y achetons donc quelques décorations de Noël pour les vélos, mais aussi pour me déguiser. De quoi dédramatiser un peu cette journée. C'était une excellente idée!
Deguisé en père noël avec une guirlande lumineuse en prime, j'amuse beaucoup les passants et les automobilistes qui vont jusqu'à me filmer. Apparemment ici les pèlerins n'ont pas souvent le sens de l'humour.
La route est longue et suit la passante nationale. Le soleil se dégage de temps à autre et offre des tons verts éclatants, aux collines et prairies que l'on traverse. On voit progressivement les panneaux afficher la distance vers Santiago : 33km, 22km, 18km, 11km, 9km... Puis nous passons devant l'aéroport.
Le chemin bifurque dans une raide ascension vers le Mont Gozo. Cette colline est le premier endroit depuis lequel les pèlerins peuvent observer la cathédrale de Saint Jacques. J'ai le souvenir d'avoir vu des pèlerins fondrent en larmes ici, lorsque j'y étais venu il y a deux ans avec Véro...
L'ascension est à la fois difficile car très raide et magnifique.
Au sommet, nous sommes seuls. On y voit effectivement la cathédrale, au loin. Ça y est: Santiago est à mes pieds, ou plutôt à mes roues... Mais je crois que je ne réalise pas encore très bien.
Ultime pause pour savourer le moment et nous entamons la longue descente vers la ville. Au passage du panneau Santiago, je prends conscience que les larmes coulent sur mes joues. Je ne sais même pas depuis quand. Je ne comprends pas ce que je ressens. Est-ce de la joie, de la tristesse, du soulagement ? Je n'en sais rien, probablement un mélange. Je laisse juste aller, et ces larmes m'accompagnent jusqu'au centre. J'essaierai de comprendre plus tard.
La cathédrale est là, devant nous, avec tous ces touristes qui nous regardent et ces quelques pèlerins qui nous félicitent tout comme nous les félicitons.
Je passe chercher mon diplôme officiel. La vieille dame qui me le remet n'en revient pas: je suis venu de Norvège, et j'ai parcouru 6100km. Elle veut me prendre en photo avec mon vélo. Incroyable !
Me prend elle pour un fou? Non, Je ne crois pas, même si moi j'ai tendance à croire que ce défi était effectivement complètement fou. Je crois juste qu'elle est impressionnée, et pourtant, elle a du en voir des pèlerins !
Quant à moi, je suis fier d'avoir roulé pour la vie jusqu'ici.
Si fier de vous, oui, de vous qui m'avez soutenu logistiquement ou mentalement. Vous qui avez tout mis en oeuvre pour que ce défi ait lieu. Vous qui m'avez accompagné pour quelques kilomètres ou sur plusieurs jours. Vous qui m'avez envoyé tous ces beaux messages d'encouragement. Vous, qui avez simplement compris pourquoi je faisais cela. Vous qui avez été mes héros du quotidien pour votre engagement dans la cause, en la soutenant avec moi!
Merci ♥️